vendredi 31 janvier 2025

Compton soldat d'infanterie "le soutient !"

 


COLONIE 14402 – ZONE SEMIE-DÉSERTIQUE – DÉBUT D'APRÈS-MIDI

Compton : Entre le Feu et le Métal

Sous le soleil impitoyable de la colonie 14402, l’escouade avançait péniblement. Le sol, couvert de cailloux et de poussière rouge, absorbait la chaleur pour la restituer en vagues suffocantes.

Quinze soldats progressaient en file, mais Compton, en tête, derrière sont chef d'escouade Chazot Albert pouvait sentir le poids invisible qui alourdissait chaque pas : celui des non-dits et des regards méfiants que les humains échangeaient avec les SUACR.

Quinze soldats, dont les trois quarts étaient des SUACR, ces synthétiques de combat mal aimés.

Comptons dans ses pensées, marmonna intérieurement.

Trois quarts de synthétiques… Bordel, c’est une blague ou un cauchemar ? Ces saloperies ne connaissent ni la fatigue, ni la peur, mais elles nous traînent dans les pires emmerdes. L’état-major a de l’humour, clairement.

Compton, soldat d’infanterie de 27 ans, était une étoile brillante dans cette équipe disparate : une tête brûlée à l’attitude imprévisible et à la carrure intimidante.

Une Tête Brûlée Mais Réfléchie

Engagé dans les unités spéciales DARGON par goût de l’aventure et de l’action, Compton était loin d’être un simple bourrin. Sous son air de fonceur se cachait une intelligence stratégique qui le rendait imprévisible pour ses compagnons d’arme. Mitrailleur de soutien, il était le pilier de son équipe, sa sulfateuse étant son véritable compagnon de combat. Il la surnommait « Idylle », comme pour souligner leur lien indéfectible.

Malgré son attitude parfois provocatrice, Compton assumait un rôle de pacificateur au sein de l’escouade. Lorsqu’une querelle éclatait, il intervenait, jouant le « paternel » pour rétablir l’ordre. Cependant, sa patience avait ses limites, et il ne supportait pas les ordres absurdes ou les directives qu’il jugeait contraires à la logique du terrain. Ça le rendait souvent irascible, mais aussi plus combatif sur le terrain – une qualité que son chef d’escouade avait appris à respecter, voire à craindre.

Sous une chaleur suffocante, l’escouade progressait lentement, leurs bottes soulevant une poussière fine qui semblait vouloir les étouffer davantage.

Un bruit de pierre déplacée fit sursauter un des soldats humains, jeune recrue nommée Laroche. Il jeta un coup d’œil nerveux vers le SUACR le plus proche, qui marchait d’un pas mécanique, les yeux fixes.

« Ils nous regardent, chef, » murmura Laroche à Compton.

« Non, gamin. Ils analysent. Chaque foutu détail. Et toi, arrête de leur donner des raisons de douter de nous, ou je t’en colle une, » répondit Compton, sans même tourner la tête.

L’Apparence Trompeuse des SUACR

Les synthétiques étaient troublants, presque humains. Leur peau artificielle était si réaliste qu’elle masquait leur vraie nature. Pas de cicatrices, pas de taches de rousseur, seulement des visages trop parfaits pour inspirer confiance. Leur démarche était stricte, trop précise, et leurs interactions calculées faisaient naître une tension palpable dans l’air. Pour beaucoup, combattre à leurs côtés était une malédiction.

« Chef… vous croyez qu’ils pensent ? » demanda un autre soldat, Pierri.

Compton s’arrêta, pivota légèrement pour regarder son équipe.

« Ils pensent, ouais. Mais pas comme nous. Eux, c’est du code. Des algorithmes. Si on leur dit de nous marcher dessus, ils le feront sans hésiter. »

Compton, en tête de file, s’arrêta brusquement et leva le poing pour signaler une pause. Les soldats s’effondrèrent presque sur place, cherchant un peu d’ombre, mais il n’y avait que la poussière et les rochers. Les SUACR restèrent debout, immobiles, surveillant l’horizon avec une vigilance qui aurait pu passer pour du zèle si elle n’était pas programmée.

Hale, le bavard du groupe, jeta son casque à terre et grogna :

— J’en peux plus de ces machines. Elles nous narguent avec leurs gueules lisses. Pas une goutte de sueur, pas une plainte. On dirait des vautours qui attendent qu’on crève pour ramasser les miettes.

Compton, assis sur un rocher, mastiquait une barre de ration. Il observa Hale avec un mélange d’agacement et de lassitude.

— Si tu veux les descendre, Hale, fais-le vite et discrètement. Sinon, boucle-la.

Hale ricana nerveusement.

— Sérieusement, chef. On sait tous qu’ils sont foutus. Pourquoi on traîne encore ces tas de ferraille avec nous ?

Garret, le vétéran taciturne, intervint d’une voix grave :

— Parce que l’état-major les aime bien. Et si on les supprime sans motif clair, on devra répondre de nos actes.

Compton hocha lentement la tête, son regard fixé sur les synthétiques.

— Garret a raison. Mais… (il se tourna vers Hale avec un sourire narquois) si l’un d’eux "malheureusement" tombe en panne, je doute que qui que ce soit en haut de l’échelle s’en inquiète.

Une altercation évitée

Un peu plus tard, alors que l’escouade reprenait sa marche, l’un des synthétiques, SUACR-315, s’adressa à Compton. Sa voix était neutre, dénuée d’émotion, mais l’effort pour paraître "amical" transparaissait dans le ton légèrement modulé.

— Soldat Compton, vos hommes montrent des signes d’épuisement. Proposition : augmenter la fréquence des pauses pour préserver leur efficacité.

Compton s’arrêta net et se retourna, faisant face au synthétique. Il s’approcha, son visage dur à quelques centimètres de celui, parfaitement lisse, de SUACR-315.

— T’as une idée géniale, tas de boulons. Pourquoi tu ne prends pas leur sac à dos pendant que t’y es ?

SUACR-315 inclina légèrement la tête, comme pour analyser la suggestion.

— Proposition acceptée. Transférez-moi les charges inutiles. Cela augmentera la mobilité de l’escouade.

Hale éclata de rire, un rire nerveux et moqueur.

— Il est sérieux, ce con !

Compton leva la main pour faire taire Hale, mais son ton devint plus acerbe en s’adressant au synthétique.

— T’as pas compris que c’était ironique ?

SUACR-315 resta figé un instant, ses yeux artificiels clignotant légèrement.

— Corrigé. Humour détecté. Inutile d’exécuter la proposition.

Une Tâche à Risque

Chazot Albert le chef d'escouade, bref et concis, donna un ordre impératif.

L’ordre tomba dans l’oreillette de Compton : ils devaient explorer une crête à l’horizon, zone jugée stratégique par l’état-major. Mais Compton savait. Ces ordres absurdes qui ne tenaient pas compte du terrain ou de la situation ? C’était presque toujours une recette pour un bain de sang.

Il rassembla son escouade.

« Ok, écoutez bien. On a une crête à fouiller là-bas. L’état-major pense qu’il y a peut-être quelque chose. Mais voilà la vérité : ils en savent autant que moi, c’est-à-dire que dalle. Alors on y va, mais on reste sur nos gardes.

Et vous… » Il pointa un doigt vers les synthétiques. « Pas de faux pas. Je vous ai à l’œil. »

Passez devant, vous allez ouvrir la voix.

Un SUACR tourna la tête, son visage neutre et froid. Sa voix synthétique retentit :

« Affirmatif nous suivrons les ordres, Sergent Compton. »

En monologue intérieur, Compton fronça les sourcils.

Suivront les ordres… jusqu’à ce qu’ils nous enterrent, ou pire. Pourquoi on doit traîner ces foutus tas de ferraille ? Ils ne sont pas humains. Ils ne respirent pas, ils ne rêvent pas. Ils ne comprennent pas ce que c’est de saigner. Et moi, je dois leur faire confiance ? Pas question.

Les Synthétiques Unités Autonomes de Combat Rapproché ont très mauvaise réputation !
Considérés comme peu fiables, on leur impute de nombreuses histoires sordides.
La mort n’est pour eux qu’un algorithme aléatoire, une inconnue mal maîtrisée.

Combattre aux côtés d’un synthétique est une malédiction, et peu sont enclins à les incorporer dans leur unité.

Ces machines, vestiges d’une ancienne génération, étaient connues pour leurs défaillances. Des algorithmes obsolètes rendaient leurs réactions imprévisibles : un moment, elles exécutaient des ordres avec une précision clinique ; le suivant, elles devenaient des dangers ambulants, tirant sans discernement ou déclenchant des explosions suicidaires.

Les rumeurs abondaient parmi les soldats. Certains parlaient de SUACR qui s’étaient retournés contre leur escouade en pleine bataille. D’autres évoquaient des machines qui, après avoir accompli leur mission, s’étaient figées, contemplant le carnage qu’elles avaient créé comme si elles pouvaient ressentir quelque chose d’approchant la culpabilité.

Soldats abattus par un SUACR devenu fou, escouades entières sacrifiées pour optimiser un calcul tactique, ou encore actes de barbarie gratuits sous couvert d’exécuter des ordres mal compris.

Compton n’était pas dupe. Il savait que ces histoires, bien que parfois exagérées, avaient une base de vérité. "Ces tas de ferraille vont nous planter," avait-il soufflé à son second la veille du départ.

La Tension Explose

Alors que l’escouade avançait vers la crête, un incident éclata. L’un des SUACR, dans un geste apparemment anodin, repoussa Laroche pour sécuriser un passage. Mais pour Laroche, c’était une agression.

« Hé ! Connard, touche-moi encore et je t’envoie au tapis ! » cria-t-il.

Le synthétique ne répondit pas. Pierri intervint, levant son arme.

« Chef, il faut faire quelque chose, là ! On peut pas bosser avec eux ! »

Compton s’interposa, écartant Pierri et Laroche.

« Du calme, tout le monde. Personne ne tire sur personne, compris ? »

Mais dans ses yeux, une décision mûrissait. Le regard fixe et vide des synthétiques, leur silence… Compton n’en pouvait plus.

L’Acte Décisif

Plus tard dans la soirée, alors que le soleil déclinait, Compton rassembla ses hommes.

« Écoutez… Les synthétiques sont un problème. Pas besoin de faire semblant. Si on veut survivre, il faut éliminer les variables. Et ces trucs en sont une. Vous êtes avec moi ? »

Un silence tendu s’installa, avant que Pierri ne hoche lentement la tête. Puis Laroche. Un à un, les humains approuvèrent.

Un Moment de Réflexion

Compton s’éloigne légèrement, posant sa sulfateuse contre un rocher. "Écoutez-moi bien," lance-t-il à ses hommes d’un ton grave. "On a tous entendu les histoires. Ces choses-là..." il pointe du doigt les SUACR qui marche devant un peu plus loin, "...on ne peut pas leur faire confiance. Et moi, je ne compte pas mourir à cause d’une erreur de programmation."

Le plan fut exécuté avec une précision froide.

Compton ouvrit le feu, la mort tonitruante résonnant comme le glas de leur destin funeste.

Les SUACR, avant l’instant final, se retournèrent avec une résignation presque humaine.

Ils n’ont même pas résisté. Juste obéi jusqu’à leur fin. Pourquoi ça me dérange autant ?
Pensa-t-il, le regard perdu.

Quand tout fut terminé, il s’approcha des carcasses fumantes, scrutant les visages de ses hommes. "C’est fini," dit-il simplement. "On avance."

Certains des soldats humains détournèrent le regard, mal à l’aise malgré la nécessité de l’acte. Compton, lui, resta impassible. Ce n’était pas la première fois qu’il devait faire un choix difficile, et il savait que ce ne serait pas la dernière.

Des corps enchevêtrés, désincarnés, brûlants et incandescents illuminent ainsi le regard de leurs assassins ! Au mépris de l’état-major, en début de mission, il y a des zones d’ombre, des non-dits…

Dans les unités DARGON, il est de coutume de supprimer les synthétiques.  

lundi 20 janvier 2025

Pavel soldat Artilleur

 

COLONIE 14402 – ZONE DÉSERTIQUE – DÉBUT DE JOURNÉE

Sous la lumière rougeâtre d’un lever de soleil brumeux, le campement de la 1215e régiment d’artillerie s’éveillait dans un calme tendu. Pavel, debout près de sa batterie de canons autoporteurs, consultait les écrans tactile . Chaque machine semblait un monstre métallique prêt à cracher le feu. Les ordres du commandement venaient d’arriver : une offensive coordonnée devait débuter dans moins d’une heure.

Les doigts agiles de Pavel couraient sur les claviers tactille, attribuant des cibles aux IA des canons. Il était absorbé par sa tâche, la routine habituelle d’un artilleur.

Soudain, un hurlement strident brisa l’air, une fréquence désagréablement aiguë qui fit vibrer le métal des batteries et hérissa les poils sur la nuque de Pavel. Il releva la tête, ses yeux suivant instinctivement la direction du bruit. À l’horizon, une silhouette massive fendait l’air : un vaisseau de débarquement kavouri, ses moteurs poussés à la limite, émettant ce cri mécanique caractéristique de la mort imminente.

Le chaos se déchaîna.

« IMPACT IMMINENT ! ÉVACUEZ LES POSITIONS ! » hurla une voix dans les haut-parleurs de communication. Mais il était déjà trop tard. Le vaisseau kamikaze s’écrasa dans une explosion de métal et de flammes, emportant deux canons autoporteurs et dévastant les lignes arrières. L’onde de choc projeta Pavel au sol, son casque saturé de sons étouffés et de messages d’alerte.

Des Kavouri surgirent des débris, leurs corps insectoïdes couverts d’une carapace chitineuse sombre, leurs cris stridents ajoutant à la cacophonie. Ils se précipitaient comme une vague vivante, submergeant les positions DARGON. Les canons, pourtant automatisés pour réagir à de telles attaques, étaient inutilisables – détruits ou désactivés par la collision.

Pavel se releva péniblement, le souffle court, son armure affichant des signaux de dommage mineur. Il attrapa son arme secondaire, mais la marée de Kavouri était trop dense. Un à un, il vit ses camarades tomber. Des silhouettes familières s’effondraient, déchirées ou brûlées vives.

Dans une tentative désespérée, Pavel tenta de recalibrer l’un des canons encore debout, mais un Kavouri le frappa violemment. Sa vision se brouilla. Tout devint noir.

Retrouvé inconscient plusieurs heures après l’attaque, Pavel était un miracle vivant. il est le seul survivant sur les quinze servant de batterie. C'est un miraculé d'avoir réchappé à l'attaque des Kavouri, réputé pour ne pas laisser derrière eux le moindre survivant. Pourtant, survivre ne lui apporta aucun réconfort. Chaque nuit, les visages de ses camarades morts dansaient devant ses yeux fermés. Leurs cris, leurs expressions figées dans l’horreur… tout cela restait gravé en lui.

Incorporé à une nouvelle unité après sa convalescence, Pavel était une ombre de lui-même. Les autres soldats le considéraient avec méfiance, voire hostilité. Ils murmuraient dans son dos :

« C’est lui, le seul à avoir survécu à une attaque kamikaze Kavouri. »

« Un miraculé ? Non. Un porte-malheur, plutôt. »

Un soir, autour du feu de camp, un soldat plus jeune, Jonas, osa une provocation.

« Hé, la Pétoche, t’es sûr que t’es pas un Kavouri infiltré ? Peut-être que t’as été épargné parce que t’es des leurs ! »

Les rires fusèrent, mais Pavel ne réagit pas. Il resta assis, le regard fixé sur le feu. Après un long silence, il leva les yeux avec la mort dans l’âme se cramponnant a son arme avec un regard froid et effrayant « Laissez-moi tranquille. »

Latitude de Pavel jeta un froid. Même Jonas sembla gêné par sa propre remarque, mais l’étiquette était déjà là. "La Pétoche" s’accrocha à Pavel comme une cicatrice invisible.

Chaque journée était une lutte. Pavel effectuait ses tâches mécaniquement, évitant les regards, les discussions inutiles. Son casque anti-bruit devenait un refuge : il l’activait non pas pour se protéger des bruits de combat, mais pour étouffer les voix des autres.

Seul, tard dans la nuit, il s’asseyait souvent à l’écart du campement, observant les étoiles, une arme à la main. L’idée d’en finir le hantait, mais quelque chose l’en empêchait – un instinct de survie ou peut-être la culpabilité.

casque activé pour réduire les bruits environnants, scrutant les alentours avec un détachement apparent. Mais ses sens, aiguisés par l’habitude de l’attaque surprise, ne manquèrent pas de capter un détail étrange : un scintillement dans l’air, trop régulier pour être naturel.

« Stop ! » cria-t-il brusquement.

Un instant plus tard, une explosion déchira le sol devant lui, envoyant des fragments métalliques dans toutes les directions.

Une embuscade Kavouri.

Les cris éclatèrent, les armes furent dégainées, mais les Kavouri, plus nombreux et embusqués, prirent rapidement l’avantage. L’escouade se dispersa sous la pression. Pavel se retrouva isolé, le cœur battant à tout rompre.

Sa première impulsion fut la fuite. Une petite voix dans sa tête lui répétait que cette bataille était perdue d’avance, que cela ne servait à rien. Mais une autre, plus profonde, plus sombre, résonnait avec la force des souvenirs de son ancienne batterie.

"Pas encore. Pas encore."

Respirant profondément, il désactiva le mode anti-bruit de son casque. Les sons brutaux du combat l’assaillirent, mais cette fois, il les laissa entrer. Il repéra un canon antichar abandonné à proximité, une relique rouillée mais fonctionnelle. Si les Kavouri avançaient davantage, l’unité serait anéantie.

Il rampa sous les tirs ennemis, utilisant son agilité pour se glisser dans les ombres. Parvenu à l’arme, il constata qu’elle nécessitait un calibrage manuel – une tâche qui demandait un sang-froid extrême sous le feu ennemi. Ses doigts tremblèrent une fraction de seconde, mais il se força à se concentrer.

« Juste comme avant », murmura-t-il, le souvenir de ses canons autoporteurs revenant à lui.

Un premier tir partit, fracassant une formation Kavouri. Les créatures, prises de court, hésitèrent. Les tirs de Pavel devinrent plus précis, brisant leur avancée. Ses camarades, voyant un point de ralliement dans cette résistance inattendue, reprirent courage et se regroupèrent autour de lui. La marée Kavouri fut contenue.

Après l’embuscade, une étrange accalmie régnait parmi les survivants de l’unité. Le feu de camp, ce soir-là, ne retentissait pas des habituelles railleries ou discussions bruyantes. Tous étaient encore secoués par la bataille, mais une chose semblait claire : Pavel, surnommé "la Pétoche", n’était plus exactement le même homme à leurs yeux.

Pavel leva les yeux un instant, le regard vide, son fusil a la main le regard noir fusillant du regard ses camarades.

« Je faisais juste ce que j’avais à faire. » avant de retourner à sa tâche.

Les autres soldats échangèrent des regards, surpris par la neutralité de sa réponse. Aucun sarcasme, aucune fausse modestie, juste une vérité simple. Pour la première fois, Pavel semblait faire partie du groupe, même s’il restait en marge.

Ce moment peut marquer un tournant pour Pavel, où il commence doucement à accepter sa place dans le groupe, même si son chemin vers la guérison sera encore long.


mardi 14 janvier 2025

Sinitiro soldat d'infanterie.

 

COLONIE 14402 – ZONE DÉSERTIQUE – FIN DE JOURNÉE

Une étendue désolée, balayée par un vent chargé de poussière rouge, s'étend à perte de vue. Le sol est parsemé de débris – des morceaux d'armures, des armes abandonnées, et des carcasses de Kavouri. Les vestiges d'une bataille récente jonchent le paysage, silencieux témoins d'un carnage passé.

SINITIRO, silhouette solitaire imposante dans son armure DARGON usée et marquée par les combats, marche d’un pas lent mais déterminé. Sur son épaule, KIKO, son petit compagnon hybride, observe les environs, alerte mais curieux.

SINITIRO murmure, plus pour lui-même que pour KIKO...

« Encore un désert. Toujours des déserts. On se bat, on saigne... et pour quoi ? » « Une planète de plus pour l’humanité ? » « Une nouvelle colonie qu’ils oublieront dès qu’elle tombera. »

KIKO penche la tête en entendant sa voix, comme pour l’encourager à continuer. Sinitiro esquisse un sourire fatigué, presque imperceptible.

« Tu veux que je parle, hein ? » « T’es bien le seul... » après un long silence stoïque SINITIRO sort de da torpeur, « J’ai plus rien à dire, KIKO. Plus rien qui vaille la peine d’être entendu. »

KIKO gratte son épaule, pointant un objet brillant au sol. Sinitiro s’arrête, le regarde, puis se penche pour ramasser une balle déformée. Il la fait rouler entre ses doigts gantés.

Une balle tirée, une balle perdue. (Long soupir) J’aurais dû en finir avec ça, il y a longtemps. Mais toi… toi, t’es là pour me rappeler que je suis toujours en vie.

Il balance la balle au loin. KIKO pousse un cri de protestation, comme si c’était un trésor gaspillé.

SINITIRO se relève « T’inquiète pas, y’en aura d’autres. »

Alors qu’ils reprennent leur marche, un bruit mécanique se fait entendre. Un drone éclaireur Kavouri surgit à une vingtaine de mètres, ses capteurs tournant frénétiquement. Sinitiro s’immobilise, ses yeux se rétrécissant sous son casque.

SINITIRO à voix basse « Et voilà… eux, ils ne manquent jamais un rendez-vous. »

Le drone émet un signal strident.

DRONE KAVOURI « Cible détectée.»

Sinitiro n'y fait aucune remarque. Il s’agenouille lentement, son fusil glissant dans ses mains comme une extension de lui-même. Une rafale bien placée éclate le drone en morceaux.

KIKO pousse un cri de joie, sautillant sur son épaule. Sinitiro souffle, las.

SINITIRO en regardant KIKO.

« T’en fais pas. C’était rien. Mais là où il y en a un, il y en a toujours d’autres.»

Il regarde l’horizon, plissant les yeux. Un bruit sourd commence à résonner, comme un tambour, régulier et menaçant. Le sol tremble légèrement. KIKO bondit au sol, nerveux.

SINITIRO, Serrant les dents, « Voilà. Je savais que c’était trop calme. »

À l’horizon, une meute de Kavouri surgit, leurs formes insectoïdes se déplaçant à une vitesse terrifiante. Ils sont des dizaines, armés de leurs hurlements perçant l’air.

Sinitiro regarde la horde, immobile. Il semble presque résigné, mais un éclat de défi traverse ses yeux.

SINITIRO  à voix basse, « Encore eux. Toujours eux. Chaque jour, je me dis que ce sera le dernier. Que cette fois, ils m’auront. Mais non. Pas aujourd’hui. »

Il dépose KIKO derrière un rocher.

« Toi, reste là. Pas question que tu te fasses grignoter. Moi, j’ai déjà tout perdu, mais toi… toi, t’as encore une chance. »

KIKO pousse un petit gémissement, mais obéit. Sinitiro ajuste son fusil, vérifiant chaque composant avec des gestes précis. Il inspire profondément.

SINITIRO en monologue... se fait la réflextion.

« Tant qu’il y a des balles, il y a de l’espoir. Tant que je tiens debout, ils ne passeront pas. »

La première vague de Kavouri s’élance, hurlante. Sinitiro vise calmement et ouvre le feu. Chaque tir est précis, abattant les créatures une par une. Mais la horde ne faiblit pas.

Entre deux tirs, SINITIRO parle à voix basse, presque comme s’il s’adressait à quelqu’un qui n’est pas là :

« Tu te souviens, Helena ? T’étais là, avant tout ça. Avant que la guerre me prenne. Je me bats encore… mais je sais même plus pourquoi. Peut-être pour toi. Peut-être pour pas oublier. »

Un Kavouri bondit sur lui. Sinitiro pivote, attrape son couteau, et plante la lame dans le crâne de la créature. Il la repousse, son visage durci.

SINITIRO en grondant, « Pas aujourd’hui. »

Les corps des Kavouri s’empilent autour de lui, mais il vacille. Le souffle court, il continue de tirer, ses munitions s’épuisant. KIKO, inquiet, pousse un cri.

SINITIRO Regardant KIKO, « T’inquiète pas, petit. Je tiens encore. »

La dernière créature tombe enfin. Sinitiro se tient debout, seul au milieu des corps, son armure éclaboussée de sang. Il pose un genou à terre, épuisé, mais vivant.

KIKO grimpe sur son épaule et le regarde avec de grands yeux. Malgré le visage maculée de sang, malgré cela la lassitude se lit sur son visage. Sinitiro pousse un soupir long et lourd.

SINITIRO dit Tout bas, presque un murmure...

« J’en suis las... »



jeudi 2 janvier 2025

Cyborg de dernière génération.

 


Les Chroniques du Projet USCA : Le Destin Tragique de Charles Surugue

Une offre singulière

À 53 ans, Charles Surugue était un homme que la retraite avait laissé à la dérive. Sa vie était devenue une succession de journées ternes, entre les matinées désolantes devant les émissions de télévision et les promenades sans but dans un quartier déserté par l'espoir. Quand il apprit l'existence de la campagne de recrutement du Département Recherche Cyborg Technologie Industrie (D.R.C.T.I.), un rictus cynique étira ses lèvres.

Le programme cherchait des volontaires — ou plutôt des cobayes — pour tester la nouvelle génération d'unités synthétiques de combat autonome : les USCA. Transformés en machines de guerre ultra-perfectionnées, ces cyborgs étaient présentés comme l'avenir des champs de bataille. Mais les rumeurs évoquaient des expériences hasardeuses, des technologies en version bêta et des tests qui avaient plus de points communs avec un laboratoire de Frankenstein qu'avec une initiative militaire éthique.

« Mourir pour mourir, autant que ce soit avec panache, » songea Charles.

Avec un mélange d'ironie et de défi, il signa son engagement.

La renaissance dans l'acier

Charles n'était plus.

Du moins, pas dans le sens où il se percevait autrefois. Son corps vieillissant avait été remplacé par une carcasse mécanique à la pointe de la technologie. Sa vision était désormais décuplée par des capteurs à large spectre, pilotés par des algorithmes d’analyse cognitive si avancés qu'ils anticipaient ses besoins avant même qu'il ne les formule. Ses mains, autrefois tremblantes, étaient devenues des instruments précis, capables de dépecer une armure ennemie ou d'effectuer une chirurgie de fortune. Et son esprit, alimenté par les dernières avancées en nanotechnologie, bouillonnait d'une efficacité et d'une clarté qu'il n'avait jamais connues.

Équipé des connaissances et des compétences de centaines de combattants vétérans, Charles — ou plutôt l'USCA-137 — était une arme vivante. Les champs de bataille devinrent son domaine. Ses exploits, marqués par des stratégies brillantes et une brutalité froide, firent de lui une légende. Lors des combats les plus sanglants, il était celui que les soldats préféraient avoir à leurs côtés, et que leurs ennemis redoutaient de croiser.

Les hauts dignitaires de l’empire lui accordèrent des médailles, des discours enflammés glorifièrent son sacrifice. Il était devenu un héros de guerre. Mais dans l’ombre, des murmures désobligeants commençaient à se faire entendre.

La chute de l’ange d’acier

La gloire fut de courte durée. Les premiers signes de dysfonctionnement étaient subtils : une réaction disproportionnée ici, une décision aberrante là. Mais bientôt, les USCA de cette génération prirent un virage tragique.

Les nanotechnologies qui amplifiaient leur cognition commençèrent à détruire leur équilibre mental. Schizophrénie, hallucinations, comportements meurtriers... Ces anomalies firent de ces machines des dangers pour leurs propres camps. Charles, naguère héros acclamé, était maintenant un symbole de peur. Ses exploits furent réduits au silence, ses faits d’armes rayés des registres officiels.

Pour l’empire, il ne s'agissait pas seulement d'un problème technologique, mais d'une menace pour son image. Le D.R.C.T.I., pilier de l’économie impériale, ne pouvait se permettre un scandale. La solution fut impitoyable : une opération de sécurité nationale fut mise en place pour éliminer tous les USCA de cette génération.

Le sacrifice d'un homme

Charles Surugue n'avait jamais été dupe. Lorsqu'il avait signé pour le programme, il savait qu'il ne sortirait jamais indemne de cette aventure. Mais il n’avait pas prévu que son destin s’écrirait avec une telle ironie.

Pour le bien de l’état, pour préserver l’image d’une institution qui l’avait d’abord glorifié puis rejeté, il fut traqué et abattu. Ses restes furent effacés des registres, et son nom ne fut jamais prononcé à nouveau dans les sphères officielles.

« Si je dois mourir, que ce soit avec panache, » avait-il dit un jour.

Et ainsi, Charles Surugue fut sacrifié sur l’autel de la raison d’État, un héros transformé en martyrs oubliés. Son épopée devint une légende murmurée parmi les soldats, un rappel poignant des sacrifices qu'exige l'empire pour son propre intérêt.

Une mémoire effacée

Dans les bureaux climatisés du D.R.C.T.I., on continuait à perfectionner les prochaines générations d’USCA, en effaçant soigneusement toute trace des erreurs passées. L’histoire de Charles Surugue, comme celle de tant d’autres, était reléguée aux archives scellées. Mais dans les zones de combat, là où les hommes continuent de se battre, son souvenir persistait.

Et parfois, dans le fracas des batailles, certains jurent entendre une voix murmurer : « Mourir pour mourir, autant que ce soit avec panache. »