samedi 1 mars 2025

Severo commandant en second



COLONIE 14402 – ZONE DES PLEINES BOUEUSE DÉBUT D'APRÈS-MIDI

SEVERO – LE COMMANDANT SANS GLOIRE.

Un homme né pour la guerre… Severo s’observe dans le miroir de sa cabine spartiate. Sur sont armure son grade d' officier de commandant en second brille sur son plastron. Il ajuste son armure avec soin. Le reflet devant lui n’est pas celui d’un simple officier… c’est celui d’un futur héros. Un futur commandant respecté, peut-être même un jour, un général. Qui sait ?

Regarde-toi, Severo. Regarde-toi bien. Tu n’es plus ce gamin rêveur, ce fils de rien qui s’imaginait officier en lisant des récits de guerre sous une lampe. Tu l’as fait. Tu es là, en uniforme, avec un grade, avec du pouvoir. Ceux qui t’ont méprisé, ils sont restés sur leur planète minable à crever dans la lie de la société. Toi, tu es un Officier DARGON.

Et pourtant… pourquoi ? Pourquoi je n’ai pas ce regard ? Ce regard que Séménov notre commandant a quand il parle, quand il marche, quand il ordonne. Ce regard que les soldats respectent, que les ennemis craignent. Moi, ils ne me regardent pas comme ça. Moi, ils baissent les yeux, ils ricanent derrière mon dos. Comme s’ils savaient quelque chose que j’ignore…

Ils ne savent rien !

SEVERO (à voix basse, se redressant devant le miroir)

_"La guerre, c’est le pied."_

Ils comprendront bientôt. Je vais leur montrer. Une victoire… Une vraie. Une victoire où mon nom sera cité. Où l’on dira : "Ce jour-là, c’est Severo qui nous a menés."

Depuis son adolescence, Severo s’est forgé un rêve unique et inébranlable : devenir un officier respecté au sein des unités DARGON, ces forces spéciales redoutées aux confins des colonies humaines. Ce n’est pas qu’une carrière qu’il ambitionne, c’est une destinée. Il veut son nom gravé dans l’Histoire militaire, il veut être un héros de guerre dont les exploits seront racontés des décennies après sa mort.

Mais voilà, entre le rêve et la réalité, il y a un gouffre. Et Severo ne le franchira jamais.

Si il est l’homme du zèle, il manque cruellement de talent. Il n’est ni un combattant exceptionnel, ni un tacticien hors pair. Il n’est ni respecté, ni craint. Il n’inspire rien à son escouade, si ce n’est du mépris.

Severo n’a qu’une seule arme pour asseoir son autorité : son grade. Et un seul bouclier pour masquer ses lacunes : le sarcasme.

Un leader méprisé.

Dans l’escouade, Severo est une plaie. Son regard, toujours hautain, est celui d’un homme qui se pense supérieur. Il houspille, donne des ordres inutiles, critique sans cesse et surtout, il flatte sans vergogne son supérieur, le commandant Nikolaï Séménov. Il n’est pas aimé, et il le sait. Mais cela lui importe peu.

Au fond, il les méprise tous autant qu’ils le méprisent.

Les soldats de son unité, ces vétérans couverts de cicatrices et d’histoires de batailles, il les jalouse secrètement. Il envie leurs faits d’armes, leur expérience, leur fraternité tacite. Il aurait aimé être comme eux, être admiré comme eux. Mais il ne l’est pas. Il ne le sera jamais. Et cela le ronge.

Alors, Severo compense. Il compense par des ordres inutiles, par un ton condescendant, par des piques venimeuses. Il rend la vie infernale à son escouade, non pas par stratégie ou discipline, mais par pure frustration. Il sait que ces hommes ne l’admireront jamais, alors il s’arrange pour qu’ils le craignent ou le haïssent. Une rage, un feux intérieur, une jalousie maladive, qui a pour seul conséquence de mener la vie dure a ses soldats.

Mieux vaut être détesté qu’ignoré.

La mission de la honte

Sur la colonie 14402, la zone 2123A n’est qu’un bourbier inhospitalier. De vastes plaines boueuses où la pluie tombe en continu, où l’horizon n’offre que désolation et pièges naturels. Ce n’est pas une mission de prestige. Ce n’est qu’une affectation ingrate, une mission de routine pour sécuriser un secteur sans valeur stratégique immédiate.

Mais Severo ne voit pas les choses ainsi.

Pour lui, c’est une opportunité. S’il peut obtenir une victoire ici, un exploit, un coup d’éclat, alors son nom remontera peut-être jusqu’aux instances supérieures. Un officier qui se distingue sur un terrain difficile, c’est un officier qui monte en grade. Il sait que Séménov, son supérieur, garde un œil sur lui. Il sait que c’est maintenant qu’il doit briller.

Alors, il ordonne un assaut brutal, frontal.

Severo est debout devant ses hommes, un datapad à la main, lisant les détails de la mission tout en mâchouillant un cure-dent. L’atmosphère est lourde. Personne ne le respecte ici. Il le sent, il le sait. Mais peu importe.

Les Kavouri les attendaient.

C’était un piège évident. Un officier plus aguerri l’aurait vu, aurait senti l’embuscade, aurait compris que l’ennemi avait l’avantage du terrain. Se fut le cas, il le savait, mais Severo n'en n'avais cure, lui, n’écoute que son ambition.

Les soldats obéissent la boue suinte sous leurs pas, mais ils avancent avec une lourdeur inhabituelle, sans la fougue d’un assaut bien préparé. Ils savent. Ils sentent que quelque chose cloche.

Et puis tout explose.

Les tirs fusent. Les Kavouri jaillissent des cratères boueux comme des ombres macabres. Les premières lignes sont fauchées instantanément. Les DARGON, pourtant l’élite, sont réduits à l’état de proies piégées.

Severo reste en arrière, son arme à la main, mais il ne tire pas. Il ne charge pas en tête. Il observe, figé. Léger rictus tord ses lèvres, il comprend trop tard.

Le massacre est immédiat. Ses soldats tombent par dizaines, la boue se gorge de sang.. Certains essaient de riposter, d’autres cherchent une couverture inexistante. Les Kavouri rient en vidant leurs chargeurs sur eux, moquant leur naïveté.

– UNE RETRAITE INFÂME

Ils ont fui. Il n’a pas donné l’ordre, mais ils ont fui. Comme des chiens battus, sous les rires des Kavouri.

Il voulait une victoire franche, ce fut une boucherie dans la débâcle dans la honte et la sédition.

Lorsque la retraite est enfin sonnée, il ne reste que des lambeaux de son escouade. Ils fuient, le regard vide, la boue et le sang collés à leurs visages. Les survivants fuient, piétinant leurs camarades.

– LA HAINE, L’ISOLEMENT, LA DESCENTE AUX ENFERS.

_Quelques jours après, à la base_

Severo marche seul. Personne ne l’adresse plus la parole. Il n’est plus qu’une ombre. Une honte ambulante. Des soldats changent de couloir pour l’éviter. Certains le regardent avec mépris, d’autres avec un rictus de haine à peine contenu.

Et alors ? Qu’ils me haïssent. Qu’ils m’ignorent. Ils ne sont rien. Des pions sans ambition.

SEVERO (pensées, s’accrochant à son ego défaillant)

"Ils ne comprennent pas ce que signifie être un officier. Être un leader, c’est savoir faire des sacrifices. Ils ne voient que les morts… Moi, je vois la guerre. Et la guerre… c’est le pied."

Ils comprennent. Ils ont compris dès le début qu’ils étaient envoyés au casse-pipe par un incompétent. Ils savaient que cette attaque ne valait rien. Mais ils ont suivi les ordres.

Et maintenant, ils savent que leurs camarades sont morts pour l'ambition d'un seul homme.

Plus tard, dans la base, personne ne parle à Severo. Plus un regard, plus un mot. Même les plus respectueux de la hiérarchie baissent les yeux lorsqu’il passe, comme si son existence même était une insulte à l’uniforme.

Certains parlent de mutinerie. D’autres envisagent même de le descendre lors d’une prochaine mission.

Mais Severo… Severo ne comprend pas.

Il ne comprend pas pourquoi on le déteste tant. Après tout, il a juste suivi son instinct d’officier. Il a voulu mener ses hommes à la victoire, non ?

Ce n’est pas sa faute.

C’est leur faute, ils n’étaient pas assez bons.

Ils n’étaient pas assez forts.

Lui, Severo, reste convaincu qu’il aurait pu être un héros ce jour-là.

S’ils n’avaient pas échoué.

S’ils n’avaient pas été faibles.

Mais ils ont tort. Parce que moi…

_"Moi, je suis un officier DARGON."_

Et la guerre…

_"La guerre, c’est le pied."_

Mais dans l’ombre, ses hommes attendent une opportunité, une seule.

La prochaine mission pourrait bien être la dernière pour Severo… et pas à cause des Kavouri. Mais dans l’ombre, l’escouade attend sa vengeance. Un jour, une mission, une balle perdue… et Severo ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Mais dans l’ombre, les hommes attendent leur revanche. Severo ne le sait pas encore… mais sa guerre à lui est déjà terminée.